Cour suprême des États-Unis : après l'avortement, d'autres droits menacés ?
AFP
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7/3/2022 1:50:40 PM - Publié par webmaster@ekilafrica.com  


Le 24 juin dernier, la Cour suprême des États-Unis rendait une décision retentissante enterrant l'arrêt Roe vs Wade qui, depuis 1973, accordait aux Américaines le droit d’avorter dans tout le pays. Une décision contre l'avis d'une majorité de la population et au grand désarroi du président américain Joe Biden. Six jours plus tard, la même Cour décidait de limiter les moyens de l'Etat fédéral pour lutter contre le dérèglement climatique, à l'heure où les prévisions des scientifiques se font de plus en plus alarmantes. Dans le même temps, elle consacrait le droit de porter une arme en public.
Quel est donc le rôle de cette juridiction qui semble aujourd'hui nager à contre-courant ? Quel est son poids dans la justice américaine ? Et jusqu'où peut-elle aller ?

"L'interprète ultime" de la Constitution

Les États-Unis ont un gouvernement fédéral central et des gouvernements individuels pour chacun des 50 États qui les composent. Ainsi, le système judiciaire américain est composé d'une part de l'ordre fédéral, et d'autre part du droit propre à chaque État fédéré.

La Cour suprême est la plus haute juridiction de l'ordre fédéral, à la tête des quinze cours d’appel fédérales et des cent cours de district fédérales. Son rôle est d'assurer la cohérence entre les deux étages – fédéral - fédéré – ainsi que le maintien des valeurs sur lesquelles les États-Unis sont fondés. Chaque année, elle traite un peu moins de cent cas, la plupart du temps sur de grands débats de société.

Ses décisions ne peuvent pas faire l'objet d'un appel, raison pour laquelle elles ont un poids si important.

En rédigeant la Constitution, les "pères fondateurs" des États-Unis avaient instauré une séparation des pouvoirs entre l'exécutif (le président), le législatif (le Congrès, avec la Chambre des représentants et le Sénat) et le judiciaire (avec la Cour suprême au sommet), prévoyant un système de "contre-pouvoir" entre chacun. Mais, suite aux dernières décisions de la Cour, cet équilibre des pouvoirs est aujourd'hui remis en question par certains. La Cour suprême ne vide-t-elle pas la mission du Congrès ?

Pour Tanguy Struye, professeur en relations internationales à l'UCLouvain et spécialiste des États-Unis, le problème ne réside pas dans le système de répartition du pouvoir, qui est sensiblement le même que chez nous, mais dans la politisation grandissante de la Cour suprême depuis plusieurs années. "La polarisation de la société américaine se reflète dans la Cour suprême et cela, c'est dramatique", relève-t-il. "On est maintenant face à des décisions davantage politiques que juridiques".

L'ombre de Donald Trump

La composition de la Cour suprême est en effet étroitement liée aux partis politiques étant donné que les juges, au nombre de neuf, sont nommés à vie par le président en fonction.

Parmi les juges actuels, trois ont été nommés par l'ancien président Donald Trump. Ce dernier a eu l'opportunité durant son mandat de faire basculer la majorité de la haute juridiction dans le camp conservateur, avec six juges contre trois juges progressistes, lui permettant de laisser sa marque sur la politique américaine pendant des décennies.

"Beaucoup considèrent ces trois nominations comme la plus grande victoire de Donald Trump lors de son mandat", analyse Tanguy Struye. "La Cour est maintenant empreinte d'un conservatisme extrême qui risque de durer plusieurs années".

Ceci explique la multitude de décisions favorables au camp conservateur ces derniers temps, malgré quelques victoires démocrates telles que la fin du décret de politique migratoire "Remain in Mexico" hérité de Donald Trump.


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